Annexe 4.N – Accommodement en milieu de travail : contexte légal et juridique

 

À savoir :

  • Les obligations légales et juridiques des milieux de travail en matière d’accommodements au travail découlent de lois et de contrats d’assurances collectives qui possèdent leur définition propre de l’incapacité au travail.
  • La nécessité et la façon d’accommoder varient selon ces définitions.
  • Les régimes d’assurance collective d’invalidité couvrent les lésions autres que celles liées au travail. Chaque contrat est unique et spécifique à un milieu de travail ; les conditions de suivi médical et de RT y sont spécifiées. Tous ces régimes doivent respecter les principes de la Loi canadienne sur les droits de la personne (cadre légal et juridique du Canada), mais n’ont pas à appliquer ceux des lois sur les lésions liées au travail (cadre légal et juridique du Québec en matière de lésions professionnelles).

 

Niveau fédéral

La Loi canadienne sur les droits de la personne (LCDP) a défini des principes fondamentaux destinés à protéger les droits des travailleurs et des employeurs et de promouvoir des milieux de travail productifs et respectueux. Tels que :

  • Protection contre la discrimination
    Il s’agit, pour l’employeur, d’identifier et de modifier toute pratique, règlement ou procédure, qui peut avoir des conséquences discriminatoires sur les travailleurs. Une protection qui s’applique également au domaine de l’emploi, incluant la mise en place des mesures d’aménagements au travail.
  • Obligation d’accommodement
    • L’accommodement en milieu de travail est un principe légal qui exige des employeurs de mettre en place des mesures afin que les travailleurs puissent surmonter les obstacles au RT. Le but est de leur permettre de réaliser leur travail en lien avec leurs besoins spécifiques et de donc, de réaliser pleinement leur potentiel.
    • Toutefois, l’obligation d’accommodement n’est pas illimitée. Le droit à l’égalité d’un travailleur doit être équilibré avec le droit d’un employeur à gérer un milieu de travail productif. En conséquence, l’employeur ne peut être soumis à une contrainte excessive face à cette obligation.
      « On entend par contrainte excessive la limite au-delà de laquelle un employeur ne peut plus faire d’accommodements sans qu’il en résulte pour lui des difficultés extrêmes. Les employeurs sont tenus de fournir des accommodements jusqu’à la contrainte excessive. Cela signifie qu’un employeur n’est pas obligé d’adopter des mesures s’il en résulte une contrainte excessive en matière de santé, de sécurité ou de coûts. L’expression de contrainte excessive n’a pas de définition légale précise, et il n’y a pas non plus de formule type pour déterminer s’il y a ou non contrainte excessive. Chaque situation est différente et doit être évaluée indépendamment. En règle générale, il y a contrainte excessive quand l’employeur ne peut pas assumer les charges financières ou la perte de rendement occasionnées par ces mesures ». (Guide de la gestion du retour au travail, Commission canadienne des droits de la personne, 2007, p 7)
  • Droits concernant la vie privée
    Les employeurs doivent respecter le droit à la vie privée et à la confidentialité des travailleurs tout en s’acquittant de l’obligation d’accommodement durant le processus de RT. Cette obligation nécessitera donc que les travailleurs fournissement certains renseignements sur leur état de santé. Toutefois, il existe des limites à ce qu’il est tenu de dévoiler. Sont divulgués des renseignements à caractère médical qu’en cas de nécessité et suivant des conditions particulières. Enfin, les circonstances dans lesquelles un employeur peut demander à un travailleur de se soumettre à un examen médical font l’objet de restrictions.

Le gouvernement du Canada propose aux gestionnaires un modèle décisionnel afin de les aider à s’acquitter de leur obligation de prendre des mesures d’accommodements. Il convient, toutefois, de statuer au cas par cas. Pour en savoir davantage, cliquez ici : https://www.canada.ca/fr/gouvernement/fonctionpublique/mieux-etre-inclusion-diversite-fonction-publique/diversite-equite-matiere-emploi/travailler-gouvernement-canada-obligation-prendre-mesures-adaptation-votre-droit-non-discrimination/obligation-prendre-mesures-adaptation-demarche-generale-intention-gestionnaires.htmll
Référence : Guide : https://www.chrc-ccdp.gc.ca/sites/default/files/gmrw_ggrt_fr_2.pdf

 

Niveau provincial

Dans le contexte légal du Québec, l’incapacité au travail qui découle d’une lésion liée au travail, se définit dans une loi d’administration publique nommée la Loi sur les accidents du travail et des maladies professionnelles (LATMP). Elle a pour objet la « réparation des lésions professionnelles et des conséquences qu’elles entrainent pour les bénéficiaires » (article 1 de LATMP). Les droits et obligations des travailleurs et des employeurs y sont édictés (voir tableau M.1). De même que les obligations du médecin traitant et autres intervenants concernés par le RT (tableau M.2). Enfin, c’est à la Commission des normes, de l’équité, de la santé et de la sécurité au travail (CNESST) que le gouvernement a confié l’administration de la LATMP.

À cet effet, les milieux de travail peuvent se doter de politiques de RT. En milieu syndiqué, la convention collective en vigueur peut déterminer comment le RT s’effectuera.

Note : Attention à ne pas confondre les droits et obligations édictées par la loi (LATMP) des rôles et responsabilités des acteurs du RT (– cliquez ici). Ces derniers prennent en considération plusieurs éléments propres au RT (par ex. soutien au travailleur, attentes organisationnelles) telles qu’étudiées en recherche et ne découlent pas de règles juridiques.

Référence : https://www.cnesst.gouv.qc.ca/fr

Tableau M.1 : Droits et obligations des travailleurs et employeurs dans le RT

Acteurs Droits Obligations

Travailleurs

  • Indemnités de remplacement du revenu équivalant à 90 % du revenu net retenu s’il ne peut retourner au travail après l’accident
  • Choix de son médecin traitant
  • Assistance médicale
  • RT. Ce droit permet au travailleur de conserver la priorité d’emploi chez son employeur pendant un an à partir du début de l’absence si l’organisation compte 20 travailleurs ou moins, ou pendant deux ans, si son organisation rassemble 21 travailleurs ou plus. Si un travailleur n’est plus capable d’occuper son emploi en raison de dommages permanents, son employeur doit modifier ses tâches ou adapter son poste de travail en conséquence. Si cela s’avère impossible, l’employeur doit lui offrir le premier emploi convenable disponible.
  • Réadaptation. Au besoin et si le travailleur conserve une atteinte permanente à son intégrité physique ou psychique, le travailleur a droit à un plan individualisé de réadaptation (physique, sociale et professionnelle) pour lui permettre de retrouver son emploi ou, si cela est impossible, d’avoir accès à un autre emploi.
  • Indemnité forfaitaire pour dommage corporel
  • Indemnisation de son conjoint et, le cas échéant, des personnes à sa charge si le travailleur meurt des suites d’un accident du travail ou d’une maladie professionnelle
  • Aviser immédiatement l’employeur en cas d’accident du travail ou d’une maladie professionnelle
  • Subir l’examen médical requis par son employeur ou par la CNESST
  • Informer son employeur de la date de consolidation de sa blessure donnée par son médecin (et de la date de son RT)
  • Informer la CNESST de tout changement à sa situation
  • Recevoir les soins et traitements que requiert son état
  • Participer à son plan individualisé de réadaptation

Employeurs

  • Accéder au dossier de la CNESST relatif à une lésion professionnelle dont a été victime un travailleur à son emploi
  • Affecter un travailleur qui a été blessé au travail à des tâches temporaires jusqu’à ce qu’il soit capable de reprendre ses tâches régulières. L’assignation temporaire (temporary assignment) à un travail allégé constitue un droit que la loi confère à l’employeur. Cette assignation, comme son nom l’indique, doit être temporaire; elle doit consister en une activité productive et en lien avec le type d’activités de l’organisation; et elle doit favoriser le retour du travailleur à ses tâches régulières (CNESST, 2015, Politique 3.06). L’employeur, qui désire assigner un travail temporaire à un travailleur, doit fournir au médecin une description complète du poste de travail envisagé, la durée de l’assignation, les tâches à accomplir et la charge de travail, les conditions de l’emploi et les horaires prévus, puis la faire approuver par le médecin du travailleur (LATMP, article 179). Selon la loi, ce travail doit être favorable à la réadaptation de l’individu (Loi sur les accidents de travail et les maladies professionnelles, L.R.Q. c.A-3.001).
  • Exiger que le travailleur subisse un examen médical par un professionnel de la santé de son choix
  • S’assurer que le travailleur accidenté reçoive promptement les premiers soins requis par son état
  • Payer au travailleur le salaire qu’il aurait gagné le jour de l’accident si l’accident n’était pas survenu. Si le travailleur n’est pas en état de reprendre son travail, l’employeur doit lui verser 90 % de son salaire net pour les 14 premiers jours et en demander le remboursement à la CNESST
  • Conserver un registre des accidents

Tableau M.2 : Obligations du médecin traitant et autres intervenants concernés par le RT

Acteurs Obligations

Médecin

  • La Loi accorde priorité à l’opinion du médecin qui a charge sur plusieurs sujets, notamment : le diagnostic, la date ou la période prévisible de « consolidation », la nature, la nécessité, la suffisance ou la durée des soins ou des traitements administrés ou prescrits, l’existence ou le pourcentage d’atteinte permanente à l’intégrité physique ou psychique du travailleur, l’existence ou l’évaluation des limitations fonctionnelles du travailleur, ses conclusions sur les éléments énoncés précédemment, sous réserve d’une contestation devant le Bureau d’évaluation médicale (BEM), l’opportunité d’une assignation temporaire, la probabilité d’un danger grave de se soumettre à un examen et un acte du travailleur qui empêche ou retarde sa guérison, l’abandon d’un emploi convenable lorsque le travailleur n’est plus en mesure de l’occuper pour des raisons médicales ou l’attestation du danger pour le travailleur d’occuper cet emploi, les soins et traitements d’un programme de réadaptation.
  • Le médecin qui a charge doit assurer un suivi du dossier médical du travailleur notamment en complétant les formulaires prescrits par la LATMP

Intervenants de la santé

  • Les intervenants de la santé offrent les soins de santé que requiert l’état du travailleur tels que prescrit par le médecin qui a charge du travailleur
    Dans le cadre du Règlement sur l’assistance médicale (RAM), et selon la prescription du médecin qui a charge, les soins et aides techniques sont fournis par des physiothérapeutes, ergothérapeutes, psychologues, psychothérapeutes, audiologistes, audioprothésistes, orthésistes-prothésistes, etc.
  • Les intervenants de la santé pourraient aussi être appelés à offrir des services de réadaptation, selon les besoins du travailleur et ce, tels que définis en collaboration avec le conseiller en réadaptation
  • Dans tous les cas, les intervenants de la santé doivent compléter des rapports pour assurer un suivi de l’évolution du travailleur.

Intervenants de la CNESST

  • Les intervenants de la CNESST traitant des lésions professionnelles sont des agents d’indemnisation et des conseillers en réadaptation
  • C’est le CA de la CNESST qui leur délègue le pouvoir de rendre les décisions qui découlent des dispositions de la loi.