Annexe 4.J – Vignette TMC (stress intense au travail)

Situation

Chloé, une employée de bureau de 45 ans, ressentait que son travail était si exigeant qu’elle ne pouvait plus y faire face (coping). L’entreprise s’étant agrandi et sans préavis, a entraîné un changement rapide dans la nature de son travail. Elle n’a pas réussi à s’adapter, ce qui en retour a détérioré la relation de travail avec ses collègues.

Elle a consulté son médecin traitant qui a identifié une surcharge de travail et une ambigüité de son rôle au sein de l’entreprise. Le médecin lui a recommandé une thérapie cognitive-comportementale (TCC) visant à mieux comprendre ses pensées et croyances face à sa nouvelle réalité de travail. Par ailleurs, il a complété et signé un formulaire d’arrêt de travail pour une période de huit semaines.

 

Actions/acteurs par étapes de RT

1. Arrêt de travail et période de récupération

  • Chloé informe son supérieur immédiat de son absence par courriel en évoquant le stress intense vécu au travail.
  • La personne responsable de la gestion des absences lui téléphone pour lui expliquer le processus général du RT propre à leur entreprise et consent à ce que son supérieur immédiat la contacte, au besoin. Elle lui demande si elle peut divulguer ses difficultés d’adaptation à son supérieur immédiat, sans pour autant révéler ses problèmes de santé spécifiques, afin qu’il puisse planifier des aménagements au travail approprié. Puisque Chloé se sentait inquiète face aux nouvelles tâches de travail et de la réaction de ses collègues face à son arrêt de travail, elle a décidé de révéler ses limitations fonctionnelles (par ex. anxiété, difficultés à se concentrer), mais sans révéler la problématique de relation avec ses collègues. Avec l’accord de Chloé, la personne responsable de la gestion des absences a partagé ces informations à son supérieur immédiat.
  • Chloé débute la TCC, tel que recommandé par son médecin traitant, et fait mention au psychologue des relations tendues avec ses collègues de travail. Ce dernier lui recommande d’en discuter avec son supérieur immédiat, lorsque l’occasion se présentera, et lui enseigne des stratégies de résolution de conflits pour qu’elle puisse renouer avec ses collègues.

2. Première communication avec le travailleur par le milieu de travail

  • Dans les semaines suivantes, le supérieur immédiat téléphone Chloé afin de prendre de ses nouvelles. Il lui apporte du soutien social sans faire pression sur elle et en évitant de la questionner sur sa réadaptation et son retour au travail. Le supérieur immédiat a terminé l’appel en lui demandant s’il pouvait la rappeler pour faire un suivi. Chloé accepta et ils ont convenu ensemble d’une fréquence d’appel.
  • Lors du suivi téléphonique, Chloé a informé son supérieur immédiat qu’elle avait revu son médecin traitant et que celui-ci lui avait signé un arrêt de quatre semaines supplémentaires. À ce moment, il l’écoute et l’invite à partager ses préoccupations vis-à-vis du travail. Elle discute de sa charge de travail et omet de lui parler du climat tendu avec ses collègues, jugeant qu’elle pourrait faire face à cette situation avec les stratégies proposées par le psychologue. Son supérieur immédiat termine l’appel en la rassurant quant à sa place dans l’entreprise/équipe.

3. Évaluation du travailleur/son travail

  • Avant la fin de l’arrêt de travail, son supérieur immédiat recontacte Chloé afin de prendre de ses nouvelles et s’informer de son possible RT. Chloé lui partage qu’elle se sent mieux malgré la persistance de certains symptômes d’anxiété.
  • Chloé l’informe que son médecin recommande un retour progressif.
  • La psychologue était aussi de cet avis, compte tenu qu’elle lui a enseigné des stratégies de résolution de conflits avec ses collègues

4. Développement de la solution de RT avec aménagements au travail

  • Le retour progressif est débuté à raison de 2 jours par semaine pour les deux premières semaines. De plus, le supérieur immédiat réorganise les tâches à l’intérieur de l’équipe afin de réduire la tâche de Chloé

5. Reprise du travail (jour 1)

  • Chloé reçoit les informations d’usage des ressources humaines, ainsi que leur soutien et disponibilité pour l’aider dans les semaines à venir.
  • Chloé rencontre son supérieur immédiat et il y a discussion sur les modalités plus fines de fonctionnement de l’équipe.
  • Chloé revient à son poste et initie un premier contact avec ses collègues, en appliquant les recommandations de son psychologue, mais ces derniers restent froids vis-à-vis elle, car ils n’apprécient pas la redistribution des tâches qui leur a été imposée.

6. Suivi du RT (dans les semaines suivantes)

  • Lors de la première semaine du RT, Chloé réalise que ses collègues de travail ne s’adressent toujours pas à elle comme auparavant. Ce constat crée chez elle un sentiment de dévalorisation et une recrudescence d’anxiété et ce bien qu’elle aime travailler en équipe et soit satisfaite des aménagements au travail implémentés.
  • Le supérieur immédiat s’informe régulièrement auprès de Chloé sur sa progression au travail.
  • Un mois après la reprise du travail, Chloé lui fait finalement part de cette réalité avec ses collègues. Le supérieur immédiat ne sait pas quoi faire de cette information et hésite à en faire part à son employeur, dans un contexte où il doit démontrer son savoir-faire dans la restructuration de l’entreprise.

Éléments d’apprentissage

Forces de la gestion du cas de Chloé :

  • La première communication avec le travailleur par la personne responsable des absences – il s’agit d’une étape particulièrement importante dans les cas de TMC, car le risque d’invalidité prolongée est élevé.
  • L’obtention du consentement de Chloé par le responsable de la gestion des absences pour divulguer quelques informations sur ses limitations fonctionnelles.
  • Le contact du supérieur immédiat avec le travailleur, avant même le début de la réadaptation, ainsi que son suivi (soutien social).
  • La TCC qui favorise la réflexion sur sa vie au travail et la récupération de ses capacités.
  • La collaboration des acteurs du RT : personne responsable de la gestion des absences, supérieur immédiat, travailleur, médecin traitant.
  • Le retour progressif au travail avec aménagements au travail.

Faiblesses de la gestion du cas de Chloé :

  • Manque de communication au sein de l’entreprise quant à leur nouvelle réalité.
  • Manque de clarification de la situation de travail de Chloé auprès de ses collègues de travail. Il est toujours utile de questionner le travailleur sur l’état de ses relations de travail, ce qui aurait possiblement changé la solution de RT. Ainsi, la personne responsable des absences, le supérieur immédiat et le représentant syndical auraient pu travailler de concert et planifier une rencontre d’information avec les collègues de travail.
  • Omission de la part de la personne responsable de la gestion des absences (ou autre personne du département de ressources humaines, le cas échéant) d’impliquer le représentant syndical et le psychologue avec les autres acteurs pour élaborer la solution de RT. La mise en place de l’action concertée au sein de l’entreprise aurait permis au supérieur immédiat de bénéficier des connaissances/expertises des autres acteurs concernés et de mieux accompagner Chloé lors du RT.

Commentaires

Il peut être utile que l’employeur offre le suivi d’une formation sur les TMC aux supérieurs immédiats de l’organisation pour les aider à mieux gérer de telles situations.

Parfois, les cas de TMC sont plus complexes. En voici deux exemples :

  • Lorsque le supérieur immédiat est la cause d’anxiété et de stress chronique, il convient de désigner un autre acteur dans le processus de RT. Quoi qu’il en soit, il importe de préserver les contacts avec l’employé absent dès la période de récupération, tout comme avoir recours au représentant syndical. Si le travailleur préfère que son supérieur immédiat ne communique pas avec lui, vérifier s’il aimerait que quelqu’un d’autre de son équipe reste en contact avec lui – (tableau 4-11 ─ Conseiller en RH ou personne responsable des absences)
  • Lorsque des symptômes de dépression se manifestent également, il est parfois nécessaire, pour le bien-être du travailleur. Toutefois, il importe que le travailleur ne se sente pas « oublié » par son milieu de travail; il suffira de trouver le « bon moment » de lui offrir du soutien tout en respectant ses capacités et besoins.

Un plan de gestion des informations personnelles  est souhaité lorsqu’il est question de divulgation des problèmes de santé du travailleur, particulièrement pour les travailleurs avec un TMC (Corbière, Villotti, Toth et Waghorn, 2014).

Référence :
Corbière, M., Villotti, P., Toth, K. et Waghorn, G. (2014). La divulgation du trouble mental et les mesures d’accommodements de travail : deux facteurs du maintien en emploi des personnes aux prises avec un trouble mental grave. L’Encéphale, 40(S2), S91-S102.