1.7

L’ incapacité au travail  a des répercussions importantes sur les travailleurs qui sont les premiers à en subir les impacts dans leur vie quotidienne, même si l’ensemble des acteurs concernés de près ou de loin (p. ex. : membres de la famille, collègues) en subissent aussi les conséquences. À des fins de clarté, ces différents impacts ont été divisés en deux volets : les impacts sur le travailleur et les impacts sur le milieu de travail.

1.7.1

Impacts sur le travailleur

Le travail occupe une place importante dans la construction de l’identité personnelle et représente l’un des principaux piliers de l’insertion sociale. En plus de la sécurité financière, il procure un sentiment de réalisation et d’utilité qui peut vite être mis à l’épreuve lorsqu’une personne vit une situation d’ incapacité au travail  (Coutu et coll., 2013). Ce sentiment d’insécurité est d’autant plus fort que des limitations fonctionnelles peuvent en résulter et que les possibilités de retour au travail sont incertaines. Selon le type d’emploi et la vitalité du secteur d’activité économique concerné, les enjeux peuvent être plus grands. En effet, qu’elle soit totale, partielle ou temporaire ou qu’elle laisse des séquelles permanentes, l’incapacité peut amener le travailleur à se questionner sur ses obligations familiales ou parentales, sur la valeur qu’il accorde au travail et son sentiment de devoir, d’utilité et de productivité (qui demeure une valeur phare dans notre société).

La perte d’un emploi ou un arrêt de travail prolongé lié à l’incapacité peut prendre une autre tournure quand elle affecte le travailleur dans ses rapports avec les autres et la perception qu’il a de lui-même. Un sentiment de perte ou de rupture peut survenir (Beardwood, Kirsh et Clark, 2005; Coutu et coll., 2013); il peut être encore plus vivement ressenti lorsque le travailleur présente un parcours migratoire et d’insertion professionnelle difficile ou qu’il cumule les situations de vulnérabilité (Ahonen, Benavides et Benach, 2007; de Castro, Fujishiro et Sweitzer, 2006; Gravel, Dubé, Côté, White et Gratton, 2017; Kosny et coll., 2012; MacEachen, Kosny, Ferrier et Chambers, 2010). Rebâtir une image positive de soi devient alors un enjeu crucial pour que le travailleur regagne confiance en lui. Cela n’est pas facile si son environnement immédiat lui envoie des signaux ou des messages contradictoires pouvant le stigmatiser davantage (Hanisch et al., 2016; Hatzenbuehler, Phelan et Link, 2013; Kirsh, Slack et King, 2012).

Les relations sociales peuvent aussi être mises au défi durant la période d’absence. En effet, le travailleur peut se buter à l’incompréhension des autres et la véracité de son état peut être mise en doute ou contestée. Il peut aussi vivre la stigmatisation et, même, s’autostigmatiser en entretenant une image négative de lui-même, soit en intégrant l’image négative que lui renvoient les autres ou la société en général (Gewurtz et Kirsh, 2009). Si le travailleur n’a pas le soutien de ses proches (famille immédiate, cercle d’amis, collègues, etc.), il peut se sentir isolé. Son réseau social risque alors de s’affaiblir. Le soutien du milieu de travail représente également un enjeu important et une condition incontournable pour favoriser un retour au travail sain et durable (Andersen, Nielsen et Brinkmann, 2012; Heerkens, de Brouwer, Engels, van der Gulden et Kant, 2017; Kulkarni et Lengnick-Hall, 2014; Tamers, Beresford, Thompson, Zheng et Cheadle, 2011).

En somme, les impacts sur le travailleur peuvent se regrouper autour des thèmes suivants :

  • le sentiment de sécurité financière;
  • le sentiment d’utilité et de productivité;
  • le sens du devoir et des obligations familiales;
  • le sens du travail;
  • l’image de soi;
  • la  stigmatisation ;
  • l’expérience du doute et de l’incompréhension des autres;
  • le soutien des proches;
  • l’expérience de l’isolement.
1.7.2

Impacts sur le milieu de travail

Des impacts sur le milieu de travail s’ajoutent à ceux qui agissent sur le travailleur; ils touchent les impacts sur l’entreprise proprement dite. L’absence prolongée du travail n’est pas sans conséquence sur la dynamique de l’entreprise et les relations de travail. Quand un travailleur s’absente pour une durée indéterminée, les équipes doivent être réorganisées, et les tâches redistribuées. Il peut s’en suivre une perte de productivité et des coûts relatifs à la gestion des absences et à la formation du personnel de remplacement (Ekberg et al., 2016; Higgins, O’Halloran et Porter, 2012). À titre d’exemple, en 2008, le fardeau économique des maladies et des blessures au Canada était de 192,8 milliards de dollars, dont 17,2 milliards en perte de productivité pour les employeurs (Agence de la santé publique du Canada [ASPC], 2014). De plus, la réorganisation des équipes peut générer des tensions au sein des équipes de travail en provoquant, notamment, une surcharge de travail chez les autres travailleurs (Coole, Radford, Grant et Terry, 2013).

En somme, les impacts sur le milieu de travail peuvent se regrouper autour des thèmes suivants :

  • dynamique d’entreprise et réorganisation des équipes;
  • relations de travail et possibles tensions au sein des équipes;
  • perte de productivité;
  • coûts relatifs à la gestion des absences;
  • coûts relatifs à la formation du personnel de remplacement.

Autres types d'impacts